Bêta

Solutions Investissements

  • Interview Michael Geke
  • Fondateur & CEO
  • Quantmade

« La demande pour des modèles quantitatifs augmente »

Le développement des dernières générations de modèles quantitatifs modernes tendent de plus en plus vers la Market Phase Neutrality. Le principe consiste à identifier des modèles dans des unités de temps plus petites à partir de plus grands ensembles de données et de prévoir ainsi l’évolution des trades, comme l’explique Michael Geke.

Francesco Mandalà

Comment les modèles quantitatifs ont-ils évolué au cours des dernières années ?

Les modèles quantitatifs permettant d’identifier des opportunités de trading ont fait des progrès considérables ces dernières années, notamment grâce à l’intégration du Big Data et de l’apprentissage automatique. Cependant, hormis les quants dans le trading à haute fréquence, de nombreux modèles basés sur l’algo utilisent encore des méthodes statistiques simples, souvent dans le domaine du suivi de tendance.

Le développement des modèles quantiques modernes vise de plus en plus la Market-Phase Neutrality. L’objectif principal est ici de réduire les corrélations dans l’évolution de la performance et d’effectuer des transactions plus précises afin d’obtenir de meilleurs indicateurs de performance ajustés du risque. Les modèles actuels sont en mesure d’identifier des schémas même dans des unités de temps plus petites à partir de grands ensembles de données et de prévoir l’évolution des trades avec une probabilité relativement élevée. Il est ainsi possible d’atteindre des valeurs bêta de portefeuille inférieures à 0,1 avec des systèmes « long only » dans le domaine des actions. Des progrès significatifs dans la puissance de calcul permettent d’évaluer plus de données de manière plus efficace, ce qui conduit à des prévisions plus robustes.

Comment voyez-vous la demande du point de vue des investisseurs et quelles sont les considérations qui entrent en jeu compte tenu de l’environnement de marché actuel ?

L’environnement de marché est toujours une question d’interprétation. Le fait est que de nombreux investisseurs craignent le risque, mais cherchent en même temps à obtenir des rendements supérieurs à la moyenne – idéalement sur un horizon de 3 à 5 ans. Une gestion de portefeuille active sur la base de titres individuels est donc nécessaire. C’est là qu’interviennent les quants, qui peuvent réduire les risques et les fluctuations du portefeuille grâce à une gestion active. Cette robustesse à travers différentes phases de marché a entraîné une demande accrue de modèles quantitatifs, car ils permettent de prendre des décisions cohérentes, basées sur des systèmes et non sur l’émotion.

Comment utilisez-vous les modèles quantiques en tant que gestionnaire d’actifs ?

Nous utilisons les modèles quantiques pour calculer l’allocation d’actifs entre les systèmes low-beta et higher-beta. Nous contournons ainsi la problématique liée à l’évaluation de l’environnement et à l’évolution du marché, dans la mesure où nos modèles s’adaptent aux changements de manière adaptative et systémique. L’univers d’investissement que nous utilisons est principalement constitué de titres individuels américains très liquides issus des indices S&P 100 et NASDAQ 100. Au total, nous calculons six portefeuilles avec différentes valeurs alpha et bêta. Nous sommes ainsi en mesure de concevoir le rendement, le risque et les corrélations en fonction des exigences du client et de l’environnement de marché, grâce à une combinaison judicieuse de systèmes.

Comment composer un portefeuille comprenant des quants ?

Les quants n’entrent pas en conflit avec l’approche fondamentale. Ils viennent en complément des méthodes classiques dans  un portefeuille bien géré. Chaque investisseur doit ensuite décider lui-même de la pondération.

Quelles sont les principales sources de données que vous utilisez pour vos modèles quantitatifs et comment garantissez-vous la précision et la fiabilité de ces données ?

Nos sources de données primaires sont les données historiques à long terme des cours des actions individuelles. Nous assurons la précision et la fiabilité de ces données par plusieurs moyens : nous travaillons avec des fournisseurs de données renommés, nous utilisons des techniques de nettoyage et de validation des données et nous avons un processus digital d’assurance qualité.

Dans quelle mesure l’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle ont-ils influencé vos stratégies d’investissement quantitatives ?

L’apprentissage automatique a élargi nos stratégies d’investissement quantitatives du point de vue du système, en permettant d’identifier des modèles et des relations complexes dans les données de prix, d’évaluer des modèles de corrélation plus avancés que les méthodes traditionnelles pourraient manquer. C’est particulièrement important pour l’évaluation simultanée de différents niveaux temporels. 

Cela nous a permis d’améliorer la performance ajustée au risque des portefeuilles quantiques, en nous permettant de gérer encore mieux les fluctuations grâce à une meilleure sélection des transactions. L’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle sont toutefois des méthodes et nous avons pour objectif de réaliser des rendements attrayants avec des fluctuations minimales. C’est pourquoi nous ne nous focalisons pas sur l’utilisation de l’apprentissage automatique ou de l’intelligence artificielle dans les systèmes quantiques, simplement parce que c’est à la mode. Nous avons déjà vu des systèmes qui utilisent l’IA mais dont les résultats sont nettement moins bons.

Michael Geke

Quantmade

Michael Geke est le CEO et le fondateur de la wealthtech Quantmade depuis 2018. Pendant son doctorat à l’EPF de Zurich, il s’est intéressé de près aux modèles de simulation mathématiques. Avant la création de Quantmade, il avait déjà monté avec succès deux entreprises. Après sa dernière sortie en 2012, il a été partenaire chez KPMG jusqu’à fin 2014.

Crypto

Solutions Investissements

  • Dramane Meite
  • Responsable Produits
  • Hashdex

Smart contracts: l’infrastructure pour un avenir décentralisé

Avec les « smart contracts » que la blockchain a rendu possibles, le web est en pleine évolution. Sous le label Web3, comme l’explique Dramane Meite, il ouvre de nouvelles opportunités dans des domaines tels que les plateformes de type Ethereum, les places de marché, les jeux « play-to-earn » et quelques autres concepts 100% décentralisés.

Francesco Mandalà

Le potentiel des crypto-actifs va bien au-delà des simples paiements. La technologie blockchain a permis de créer une large gamme d’applications qui suppriment le besoin d’intermédiaires grâce à des réseaux décentralisés soutenus par des actifs numériques.

Les “smart contracts”, des accords auto-exécutables qui automatisent les transactions et éliminent les intermédiaires, sont l’une des utilisations les plus marquantes de la blockchain. Ils sont employés pour des transactions financières ou juridiques, pour le paiement direct d’artistes, ainsi que pour de nombreux autres cas. Des entreprises comme Starbucks, Nike et JPMorgan les utilisent pour offrir à leurs clients de nouveaux services nouveaux, plus efficaces.

Basés sur la transparence et l’efficacité, les smart contracts favorisent aussi l’adoption des produits et services du Web3. Comment définir alors le Web3 et pourquoi les investisseurs devraient-ils s’y intéresser ?

Les trois phases de l’internet

Internet a connu une transformation spectaculaire depuis sa création. A ses débuts – le Web1 – il était une vaste bibliothèque d’informations, facilement accessible mais avec une interaction limitée. Le Web2 – l’ère actuelle – a entraîné une révolution sociale, permettant aux utilisateurs de se connecter, créer et partager du contenu sur des plateformes comme Facebook et YouTube. Cependant, ces plateformes ont la main mise sur le data de même que sur le contenu généré, soulevant des préoccupations liées à la vie privée et la propriété.

Le Web3, porté entre autres par les smart contracts, s’accompagne d’un changement de paradigme où les individus sont les seuls propriétaires de leurs données, contrôlent leurs actifs numériques et interagissent directement les uns avec les autres sans dépendre d’autorités centrales.

Grâce aux marchés décentralisés, le Web3 offre de nombreux avantages. Il permet à ses utilisateurs de posséder et d’échanger des œuvres d’art numériques via des NFT. Le modèle de jeu « play-to-earn » leur permet aussi de gagner des récompenses quand ils jouent, et les primes obtenues deviennent des actifs échangeables. Enfin, les plateformes de création de contenu décentralisées donnent aux créateurs le contrôle sur leur travail et un accès direct à leur audience.

Voici quelques exemples les plus marquants développés autour de ces smart contracts

Plateformes de contrats intelligents

Ethereum

La plateforme la plus établie, connue pour son écosystème de développeurs robuste et sa sécurité.

Solana

Une alternative rapide et à faible coût à Ethereum, gagnant en traction pour sa scalabilité.

NFT Marketplaces

OpenSea

Le plus grand et le plus populaire des marketplaces pour acheter et vendre des NFTs dans diverses catégories.

Rarible

Marketplace NFT décentralisé avec un accent sur l’autonomisation des créateurs et la gouvernance communautaire.

Jeux Play-to-Earn

Axie Infinity

Un pionnier dans l’espace play-to-earn, où les joueurs élèvent et combattent des créatures pour gagner des récompenses.

Decentraland

Jeu de métavers où les joueurs possèdent des parcelles de terrain virtuel et peuvent créer des expériences ou monétiser leurs créations.

Finance décentralisée (DeFi)

Uniswap

Le principal échange décentralisé (DEX), permettant le trading pair-à-pair de cryptoactifs sans intermédiaires.

Aave

Plateforme de prêt DeFi où les utilisateurs peuvent emprunter et prêter des cryptoactifs, gagnant des intérêts sur leurs avoirs.

Risques et opportunités

Le potentiel du marché pour les applications Web3 est immense. Pour les investisseurs, le champ des possibles est tout aussi étendu, mais il comporte aussi des risques. Les vulnérabilités des contrats intelligents et les problèmes opérationnels de la blockchain peuvent entraîner des pertes financières. Parfois, le pouvoir de décision pour certains nouveaux projets est concentré, avec des droits de vote distribués de manière inégale. De plus, les cadres réglementaires pour le Web3 sont en cours d’évolution, créant une certaine incertitude pour les entreprises et les investisseurs.

L’avenir du Web3 n’en reste pas moins prometteur. Ethereum est actuellement la principale plateforme de contrats intelligents, mais des solutions concurrentes comme Solana émergent. De nouvelles solutions construites sur ces réseaux, appelées « Layer-2 », aident à la scalabilité de ces réseaux et réduisent les frais et autres coûts ayant créé des obstacles à l’adoption.

À mesure que cette industrie évolue, le Web3 offre une opportunité massive de remodeler internet et de redéfinir la propriété à l’ère numérique. Les plateformes de contrats intelligents et leurs applications continueront de perturber les industries traditionnelles et de libérer toute la capacité d’un internet véritablement décentralisé.

Dramane Meite

Hashdex

Dramane Meite est responsable des nouveaux produits chez Hashdex, avec plus de 10 ans d’expérience dans les marchés financiers, la gestion d’actifs et la fintech. En poste auparavant chez Pimco, il a piloté les initiatives stratégiques et l’innovation en tant que Business Manager au bureau exécutif, puis en tant que stratège produit dans le groupe Solutions Client et Analytics. Il a également travaillé dans la vente, le trading et la trésorerie à la Standard Chartered Bank et à la Société Financière Internationale. Dramane Meite détient un MBA de l’Université Stanford, ainsi qu’une maîtrise en statistiques et économie. Il est titulaire du CFA.

Trompe-l’œil

  • Par Francesco Mandalà
  • Chief Investment Officer
  • MBaer Merchant Bank

Les entreprises technologiques ralentissent l’innovation et entravent la croissance

 La publicité « Crush! » d’Apple, qui présente la démolition brutale de divers objets créatifs et culturels pour promouvoir un nouveau modèle d’iPad, évoque un monde d’innovation constante et de perturbation, menant à la croissance économique et à une meilleure qualité de vie. Pour Francesco Mandalà, cette impression est trompeuse.

Francesco Mandalà

Pour commencer, il est un fait que le progrès technologique incarné dans le capital physique, le capital immatériel (idées) et le capital humain (éducation) est le moteur fondamental de la croissance économique, plutôt que la simple accumulation de travail et de capital. Les modèles économiques récents intègrent l’idée que les incitations au profit poussent les entrepreneurs à innover, créant ainsi de nouveaux produits, processus et modèles commerciaux qui révolutionnent les industries et génèrent une croissance économique.

L’idée n’est pas nouvelle. En 1942, Joseph Schumpeter a introduit le concept de destruction créatrice, processus par lequel les dernières innovations rendent les innovations précédentes obsolètes. Ce cycle de destruction et de création est essentiel pour le progrès économique. Il est intrinsèque au capitalisme.

Vagues d’innovation

La mesure courante de l’innovation est la productivité, dont le niveau est déterminé par l’efficacité et l’intensité avec lesquelles le capital et le travail sont utilisés dans la production de biens et services. Au début du XXe siècle, la révolution électrique a donné lieu à une « grande vague » d’innovation, qui a pris naissance aux États-Unis et s’est étendue à l’Europe après la Seconde Guerre mondiale. Une période de croissance rapide et soutenue s’en est suivie, et la qualité de vie s’est radicalement améliorée. Mais depuis le premier choc pétrolier au début des années 1970, la croissance de la productivité a commencé à décliner, à l’exception d’une courte période liée à la révolution informatique et à la diffusion des technologies de l’information et de la communication dans les années 1990. Après la Grande Récession de 2008, la productivité est tombée à des niveaux historiquement bas aux États-Unis et en Europe malgré les avancées significatives dans le secteur informatique.

Ce déclin est difficile à concilier avec la vague spectaculaire d’inventions qui ont remodelé notre vie quotidienne : smartphones, plateformes de réseaux sociaux, cloud, édition génomique CRISPR, véhicules électriques, pour n’en nommer que quelques-uns.

Léthargie des affaires

Qu’est-ce qui explique alors le ralentissement de la productivité aux États-Unis ?

Un argument plausible est que la dynamique des affaires s’est affaiblie avec le temps. La principale raison en est que les entreprises leaders dans un secteur spécifique découragent l’innovation développée par des entrants potentiels dans leurs secteurs respectifs – par exemple, en acquérant des brevets à des fins défensive. En raison de leurs investissements dans des technologies propriétaires et de la concentration de la propriété intellectuelle entre leurs mains, les entreprises leaders consolident leur position dominante, obtiennent des marges plus élevées et acquièrent un poids plus important dans l’économie au détriment de l’innovation et de la croissance économique.

Le deuxième argument, avancé par l’économiste Ken Arrow il y a environ 60 ans, est que les entreprises monopolistiques ont moins d’incitations à innover parce que leurs rentes monopolistiques existantes sont sécurisées. L’innovation pourrait alors menacer leurs profits. En revanche, les entreprises sur des marchés concurrentiels ont plus d’incitations à innover, car elles ont plus à gagner des technologies innovantes qui pourraient conduire à des profits monopolistiques. L’incitation à innover d’Arrow fonctionne dans la direction opposée de l’incitation à entreprendre de Schumpeter.

Les symptômes de la dynamique des affaires plus faible aux États-Unis incluent l’augmentation de la concentration du marché, l’augmentation des marges bénéficiaires et de la part des profits dans le PIB, la diminution de la part de la production de la main-d’oeuvre, la diminution des taux d’entrée des entreprises, la diminution de la part économique des jeunes entreprises et la diminution de la réallocation des emplois.

Essentiellement, les leaders du marché, en particulier dans le secteur technologique américain, sont moins motivés à innover tandis qu’ils construisent rationnellement des barrières artificielles qui réduisent la capacité d’innovation de leurs rivaux. En fin de compte, les vents contraires qui soufflent contre les entreprises innovantes affectent l’ensemble de l’économie. Les consommateurs aiment les produits tech, mais les entreprises tech, plutôt que d’innover et de stimuler la concurrence, semblent aujourd’hui plus portées à entraver le progrès et freiner la croissance.

Francesco Mandalà

MBaer Merchant Bank

Francesco Mandalà a rejoint MBaer Merchant Bank en février 2021. Il possède une vaste formation en économie et en ingénierie financière. Ses principales compétences sont la gestion de portefeuille, la modélisation des revenus fixes, la macrostratégie, la gestion des risques et l’analyse de fonds, qu’il a d’abord appliquées en tant qu’économiste à la BCE, puis à l’UBS et à Julius Baer. Francesco Mandalà a étudié l’économétrie à l’université de Bocconi et à l’université de Southampton et a finalement obtenu son doctorat à l’université de Pavie.

Actions suisses

Solutions Investissements

  • Interview Daniel Steck
  • Senior portfolio manager
  • Banque Piguet Galland

« ON tient fermement tête aux stars du secteur, Nike ou Adidas »

En Suisse, la récente baisse des taux de la BNS ouvre des perspectives plus engageantes pour le segment des Small & Mid Caps, et surtout pour les valeurs les mieux orientées à l’export. Elles sont d’ailleurs nombreuses, comme le rappelle Daniel Steck, qui cite ON Holding en exemple.

Francesco Mandalà

Où en sont les valorisations des Small & Mid Caps suisses ?

Aujourd’hui, elles sont particulièrement attractives, notamment si on les compare au reste de la cote. Historiquement, en Suisse, les Small Caps se sont traitées avec une prime de valorisation par rapport aux Large Caps. Cette prime, qui s’élevait en moyenne à 30%, n’est que de 16% actuellement, alors que les perspectives de croissance pour ces sociétés sont en général supérieures à celles de leurs grandes sœurs. La remontée des taux d’intérêt, qui a considérablement durci les conditions de financement pour ces entreprises ainsi que la force persistante du franc suisse durant les derniers trimestres a passablement pesé sur leurs valorisations. Un retournement est toutefois en train de s’opérer, notamment après l’assouplissement de la politique monétaire de la BNS.

Que peuvent-elles justement espérer des récentes mesures prises par la BNS pour affaiblir le franc ?

Les petites et moyennes capitalisations sont les premières bénéficiaires de la récente décision de la BNS de couper ses taux directeurs. En effet, la force du franc suisse est particulièrement pénalisante pour ces entreprises. A l’inverse des grandes multinationales, présentes physiquement sur plusieurs continents, les petites sociétés génèrent une grande partie de leurs coûts en Suisse, alors qu’elles exportent la majorité de leurs biens et services à l’international. Il en résulte un impact négatif important sur leurs marges, auquel on doit rajouter une perte de compétitivité par rapport aux entreprises étrangères. La faiblesse actuelle du franc contre l’euro et le dollar est donc une excellente nouvelle pour ce segment de marché.

Dans ce segment Small & Mid, quelles valeurs se signalent le plus à l’export ?

En effet, malgré leur petite taille, de nombreuses entreprises suisses se distinguent à l’international. Elles bénéficient d’une image de marque reconnue dans le monde entier. Citons par exemple Lindt ou Logitech, qui ne génèrent qu’une partie infime de leurs revenus sur le sol helvétique. Le secteur de la santé compte également de nombreuses entreprises résolument tournées vers l’international, à l’image de Straumann, Bachem, Ypsomed ou encore Tecan.

Quelles sont les entreprises qui vous fascinent le plus parmi ces Small & Mid Caps ?

ON Holding, un véritable David qui se bat contre plusieurs Goliaths. C’est une success story remarquable dans le secteur de la chaussure de sport. Avec une capitalisation d’à peine 12 milliards de dollars, la société introduite en bourse en 2021, tient fermement tête aux stars du secteur, Nike ou Adidas. D’un point de vue de ses fondamentaux, ON Holding n’a rien à envier aux leaders du marché, puisque l’entreprises affiche déjà une profitabilité nettement supérieure à celle de ses concurrents et ce grâce à un positionnement résolument tourné vers le haut de gamme. ON a su se différencier sur un marché de la chaussure de sport morose et capitaliser sur l’image d’une figure reconnue, celle de Roger Federer. Signe clair de ses ambitions, ON Holding a choisi New York pour effectuer son entrée en bourse il y a trois ans.

Certaines de ces Small & Mid Caps sont-elles taillées pour entrer un jour au SMI ?

Il y a fort à parier que la prochaine entreprise à intégrer l’indice SMI soit une fois encore une société active dans le domaine de la santé. La première candidate est bien sur Straumann, première capitalisation de l’indice SPI Extra, qui inclut les valeurs du SPI à l’exception de celles du SMI. Cependant, une nouvelle venue pourrait lui griller la priorité. Sandoz, leader mondial des médicaments génériques, qui a effectué son IPO il y a moins d’un an, semble très bien positionnée pour prétendre à une place parmi les vingt stars de la bourse helvétique.

Daniel Steck

Piguet Galland

Daniel Steck cumule près de 25 années d’expérience dans le domaine de la finance. Après une première expérience dans l’analyse financière chez Lombard Odier, notamment sur le secteur de la santé, il a continué sa carrière chez Reyl & Cie, comme analyste et gérant de portefeuille. Il a rejoint Piguet Galland en 2018 comme gestionnaire senior pour prendre en charge de la gestion des différents fonds actions et certificats thématiques sur la Suisse et l’Amérique du Nord.

Piétinement

Solutions Investissements

  • Interview Pierre Mouton
  • Responsable des stratégies long only
  • NS Partners

«L’Europe n’a pas su se fondre dans l’extraordinaire écosystème qui s’est créé autour du smartphone»

Depuis 2007, l’Eurostoxx50 a progressé d’à peine 10%. Le S&P500, de son côté, a plus que triplé. Les actions européennes se traînent, pour plusieurs raisons que Pierre Mouton passe ici en revue. A commencer par l’absence de grands leaders dans la tech.

 

Francesco Mandalà

Depuis le lancement de l’euro en 2002, les valeurs européennes ont systématiquement sous-performé les grands indices mondiaux, y compris le SMI. Quelles raisons justifient cette mise en retrait ?

En réalité, les actions européennes se sont plutôt bien comportées, jusqu’à l’éclatement de la crise des subprimes. Les performances des financières étaient particulièrement bonnes. C’est l’époque où les banques européennes ont atteint leur plus haut historique. En avril 2007, l’action UBS avait dépassé les 70 francs !

En revanche, depuis 2008, l’écart de performance se dessine clairement. Par rapport aux marchés nord-américains, les plus faciles à comparer en termes de de population, de développement ou d’investissements institutionnels, les marchés européens souffrent beaucoup.

Alors comment l’expliquez-vous ?

L’absence de grands leaders dans le secteur de la technologie, en dehors d’ASML et de ses 350 milliards de capitalisation, pénalise énormément l’Europe. Il faut s’intéresser ensuite à la répartition sectorielle de ses marchés. Ils sont dominés par les financières, l’énergie, et les utilities. Sans vouloir sombrer dans l’ultralibéralisme primaire, ce sont quand même des secteurs relativement soumis au bon vouloir des états et de leur gouvernement.

Dans quel sens ?

Les banques en sont pour moi la parfaire illustration. Aux Etats-Unis, depuis la crise financière, elles ont opéré un redressement exemplaire. A l’inverse, en Europe, elles se traînent. Elles restent très loin de leurs niveaux de 2007 car elles doivent d’abord obéir à des considérations politiques. Le régulateur a la main mise sur le système bancaire européen. Les règles prudentielles mises en place ont bien évidemment du sens mais elles sont beaucoup plus favorables aux porteurs d’obligations qu’aux porteurs d’actions. Autre frein, il y a un protectionnisme latent qui règne en Europe où chaque pays veille jalousement à préserver ses banques nationales, plutôt que de laisser une saine concurrence se développer avec la création de grands groupes à l’échelle continentale.

Quels facteurs ont bien pu empêcher l’Europe de produire elle-même ses propres Magnificent Seven ?

Elle n’a malheureusement pas su se fondre dans l’extraordinaire écosystème qui s’est créé autour du smartphone, après l’apparition du iPhone d’Apple en 2007. Cet écosystème a rassemblé aussi bien des fabricants de semi-conducteurs que des opérateurs de data centers, des éditeurs de logiciels ou encore des plateformes de services. Il a pris encore plus de volume ces dix dernières années avec l’essor de la digitalisation, que la percée de l’intelligence artificielle va encore amplifier. Dans cet univers, l’Europe n’a réussi à se positionner nulle part.

Je crois aussi que les Etats-Unis ont un autre rapport au capital, à sa dynamique et à son emploi. A l’image des compagnies pétrolières, les entreprises américaines n’hésitent pas à sortir de leur bilan tout ce qui consomme du capital sans contribuer aux activités stratégiques. Or, en Europe, il se trouve encore beaucoup de sociétés qui préfèrent tout garder dans leur bilan sans trop se soucier des coûts d’opportunité.

Quels sont les déséquilibres structurels dont souffre éventuellement l’Europe ?

La fluidité des échanges commerciaux en Europe est encore loin d’être optimale. Ses États membres peuvent se montrer assez protectionnistes dans certains secteurs où il est nécessaire de protéger des champions nationaux, pas forcément armés pour concourir à l’international.

L’approvisionnement en énergie rend également l’Europe très vulnérable. Elle importe beaucoup et la facture est lourde, à la différence des Etats-Unis qui profitent depuis maintenant vingt ans de l’exploitation des hydrocarbures de schiste. Depuis 2010, leur production de pétrole a plus que doublé et ils sont d’ailleurs aujourd’hui numéro un mondial. Du coup, les coûts énergétiques ont eu un impact marginal pour les entreprises américaines,

Quelles perspectives voyez-vous se dégager ces prochaines années pour les actions européennes, prises dans leur ensemble ?

Il est intéressant de noter aujourd’hui que la plus importante contribution sectorielle à la performance des marchés européens est due aux valeurs financières.  C’est souvent bon signe, d’autant que les banques européennes sont assez fortement capitalisées. Le régulateur s’en est assuré ! Le scénario idéal serait que les banques européennes aient la voie libre pour fusionner, comme Sergio Ermotti l’a souhaité et comme Emmanuel Macron l’a laissé envisager. L’Europe doit maintenant se construire ses champions européens.

Pierre Mouton

NS Partners

Pierre Mouton a rejoint NS Partners en 2003. Il dirige les stratégies Long Only du groupe et il est membre également du comité d’allocation d’actifs. Pierre a débuté sa carrière financière en 1993 chez AG2R La Mondiale, où il a successivement géré des portefeuilles monétaires, obligataires et actions, avant de rejoindre en 2000 Fiduciary Trust à Genève et d’entrer ensuite chez NS Partners comme gestionnaire de portefeuille. En 2004, il a co-fondé Messidor Finance, avant de revenir chez NS Partners en 2010. Pierre Mouton est titulaire d’une licence et d’un master en finance, actuariat et gestion de portefeuille de SKEMA Business School à Lille, France.

 

Less is more

Solutions Investissements

  • Peter Kraus
  • Responsable Small Cap Equities
  • Berenberg Wealth and Asset Management

Small Caps européennes : les perspectives s’améliorent sensiblement

En Suisse comme dans la zone euro, il existe de nombreuses petites capitalisations qui n’ont pas à rougir face à leurs aînées. Plusieurs de ces entreprises sont même devenues des leaders mondiaux dans leur domaine et le contexte leur semble en ce moment plutôt favorable, comme le précise Peter Kraus.

 

Francesco Mandalà

Les valeurs secondaires ont connu ces deux dernières années la plus forte chute de leur cours depuis des décennies. Ce sont surtout les Small & Mid Caps européennnes, orientées Growth, qui ont été durement sanctionnées par la hausse très rapide des taux d’intérêt et l’environnement récessif. Il s’agissait d’un scénario extrême. Suite au « Corona Lockdown », au choc de l’inflation, à la hausse conjointe des taux d’intérêt et au déclenchement de la guerre en Ukraine, leurs valorisations sont au plus bas depuis dix ans. Par rapport aux grandes capitalisations, les Small Caps sont même moins bien valorisées qu’au plus fort de la crise financière de 2008. De même, le fait qu’elles réalisent environ 50% de performance relative dans la première année de reprise après avoir atteint un plancher plaide un peu plus en leur faveur.

Actuellement, les indicateurs avancés indiquent que la conjoncture se stabilise à un niveau moindre voire s’améliore, après que le secteur de la production soit lui aussi descendu très bas. Des signaux positifs en provenance des États-Unis laissent même envisager un scénario de type Goldilocks. En Europe, les indicateurs conjoncturels suivent une même tendance. Les taux d’inflation baissent et les banques centrales en ont terminé pour l’essentiel avec leur cycle de hausse des taux. Tout porte donc à croire que nous les heures les plus sombres sont désormais derrière nous.

L’heure des valeurs secondaires

Ce lever de soleil conjoncturel, cette reprise à un stade précoce, marque un tournant pour les valeurs secondaires. La tendance à la surperformance sur long terme, observée depuis plusieurs décennies pour les Small & Mids, ne semble pas interrompue. Il y a toutefois une différence au niveau du potentiel de rattrapage : compte tenu de la hausse des taux d’intérêt, l’endettement net s’avère aujourd’hui un critère important.

Les entreprises fortement endettées, et tenues de se refinancer, rencontrent bien évidemment un problème. Cependant, les entreprises de qualité avec des rendements du capital élevés et des bilans solides profitent des tendances de croissance structurelle. De telles sociétés devraient pouvoir augmenter leurs revenus et leur cash-flow par action plus facilement que la moyenne du marché lorsque les signes de reprise se préciseront.

Une autre particularité structurelle des petites capitalisations européennes est qu’elles sont la plupart du temps négligées par les analystes. Par rapport aux États-Unis, l’Europe ne compte qu’une poignée de Large Caps ou de Mega Caps – comme Louis Vuitton ou ASML – qui impressionnent par leur croissance à deux chiffres et drainent l’attention des analystes et des investisseurs. Au deuxième et au troisième rang, les pépites peinent cependant à clignoter sur les radars.

Nombre d’entre elles, dont la capitalisation ne dépasse pas cinq milliards d’euros, se sont pourtant établies comme des leaders mondiaux dans leur niche. Grâce à leur force d’innovation, elles profitent de la numérisation, des changements dans le secteur de la santé ou des technologies durables, pour générer une croissance de 15% ou plus à moyen terme.

Focus sur les semi-conducteurs

Actuellement, ces champions européens qui restent dans leur cachette se trouvent, entre autres, dans l’industrie des semi-conducteurs. Des entreprises comme Inficon en Suisse ou  Technoprobe en Italie remplissent les pré-requis pour jouer un rôle de précurseur à l’international et viser de fortes marges capables d’amortir les hausses de prix induites par l’inflation. Il leur sera alors d’autant plus facile d’investir de manière significative dans la recherche et le développement.

Mais de tels performers se retrouvent aussi dans d’autres secteurs, à l’image de Skan, le fabricant suisse d’isolateurs pour le remplissage stérile de médicaments injectables. Ses sous-jacents sont robustes : à l’avenir, 75% de tous les nouveaux médicaments seront des produits biologiques/injectables à prix élevé, qui nécessitent des isolateurs pour le remplissage aseptique. L’entreprise affiche une forte croissance associée à des marges en hausse, des rendements élevés ainsi qu’une position de trésorerie nette. Des modèles de ce genre, le segment Small & Mid est loin d’en manquer.

Peter Kraus

Berenberg Wealth and Asset Management

Peter Kraus est responsable Small Cap Equities chez Berenberg depuis octobre 2017. Il a d’abord travaillé pendant trois ans comme analyste actions pour un cabinet de conseil en finance d’entreprise à Munich, avant de rejoindre Deka Investment à Francfort en 2003. En 2006, il a rejoint Allianz Global Investors en tant que gestionnaire de fonds pour les micro et Small/Mid Caps européennes. Peter Kraus a étudié l’économie d’entreprise à l’université de Mannheim et il est titulaire de la certification CFA.