Réglementation

Solutions EAM

  • Autorisations FINMA
  • Par andreas Schaffner
  • SPHERE

1254 autorisations délivrées à des gestionnaires de fortune et des trustees.

1699 demandes d’autorisation ont été déposées en 2022, auxquelles se sont ajoutées 78 demandes en 2023. A la fin du mois de février, 1254 autorisations ont été accordées, 1246 pour des gestionnaires de fortune, 76 pour des trustees, et 8 pour des sociétés mixtes.

Les derniers chiffres relatifs à la procédure d’autorisation pour les gestionnaires de fortune et les trustees permettent de dresser un nouveau bilan, un an après la mise en application de la LSFin/LEFin. Fin 2022, les institutions concernées étaient tenues de s’enregistrer conformément aux nouvelles lois. 1699 demandes d’autorisation pour les gestionnaires de fortune et les trustees avaient alors été déposées. En 2023, 78 demandes supplémentaires sont venues s’y ajouter. Fin 2023, 1149 établissements étaient autorisés selon la Finma. D’après les derniers chiffres, ils étaient 1254 à la fin février – dont 1246 gérants de fortune, 76 trustees et 7 établissements actifs à la fois comme gérants de fortune et comme trustees. Au 31 décembre 2023, 63 des 1699 demandes d’autorisation reçues en 2022 ont été retirées.

Les explications de la Finma dans son communiqué de surveillance paru début février sont intéressantes. Elles portent sur la taille des entreprises autorisées et leur structure. La majorité des gestionnaires de fortune et des trustees autorisés sont des micro-entreprises ayant la forme juridique d’une société anonyme et employant moins de trois personnes à plein temps. Au total, ces établissements gèrent un montant total de 216 milliards de francs. En outre, plus de la moitié des gestionnaires de fortune et des trustees ont externalisé des fonctions de compliance et de gestion des risques. La Finma précise que les prestataires en charge de ces fonctions ne sont pas directement surveillés. Elle considère toutefois qu’il est de son devoir d’évaluer l’organisation des établissements soumis à autorisation. Et cela comprend à la fois t l’externalisation et la délégation à des partenaires. 

Il existe des chiffres sur les coûts de la procédure, qui doivent être supportés par les établissements : En moyenne, la FINMA a facturé des frais de 6’411 francs par procédure d’autorisation.

SOLUTIONS EAM
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Petra Kordosova
Telomere Capital
«Nous voulions disposer d’outils, de systèmes et de processus très rigoureux»

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The Swiss Financial Arena

Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.

Marketplace

  • Interview Adrian Schatzmann
  • Chief Executive Officer
  • Asset Management Association Switzerland

« Les asset managers doivent utiliser le capital de manière durable et efficace ».

L’asset management suisse a profité l’an passé d’un environnement favorable. En tant que site de production, la Confédération a pris en effet le troisième rang en Europe, devant l’Allemagne, derrière la Grande-Bretagne et la France. Pour Adrian Schatzmann, il importe maintenant que les producteurs suisses puissent défendre leurs positions – sur leur marché domestique et à l’international – en améliorant par exemple l’accès à l’Union européenne.

Comment l’industrie de la gestion d’actifs a-t-elle évolué en 2023 ?

Nous avons rencontré un franc succès : le total des actifs sous gestion a augmenté d’environ 5% pour dépasser les 3’000 milliards de francs suisses, soutenu par la performance du marché. Le repli enregistré en 2022 a donc été en grande partie compensé. Sur le marché des fonds, l’afflux net d’argent frais s’est élevé à 5,8 milliards de francs, principalement dans les fonds du marché monétaire. Les investisseurs n’ont pas renoncé à leur aversion au risque malgré la récente vigueur des bourses.

Quelles sont les principales tendances qui se dessinent déjà pour 2024 ?

Nous voyons deux grandes tendances. D’abord, la technologisation de l’industrie de la gestion d’actifs, avec par exemple l’utilisation de la blockchain dans la tokenisation de placements ou même de fonds. Ou encore par l’emploi de l’intelligence artificielle dans la gestion de portefeuille, l’allocation d’actifs et la gestion des risques.

La deuxième grande tendance demeure la durabilité : les gestionnaires d’actifs doivent utiliser le capital des investisseurs de manière durable et efficace. Efficace signifie qu’en plus d’un rendement financier, les produits d’investissement durables doivent également générer un rendement écologique ou social mesurable. Ces besoins et ces exigences accrus placent les gestionnaires d’actifs face à des défis dans le domaine de la collecte de données, de l’analyse comparative et du reporting. Mais en tant qu’actionnaires actifs, nous voulons aussi exiger des objectifs de durabilité et de climat dans le dialogue avec les entreprises.

 C’est pourquoi l’AMAS a publié à l’automne 2023, en collaboration avec Swiss Sustainable Finance, le « Swiss Stewardship Code ». Il s’agit d’une ligne directrice pour les gestionnaires d’actifs, les propriétaires et les prestataires de services financiers visant à promouvoir l’exercice actif des droits des actionnaires par les investisseurs suisses. Les gestionnaires d’actifs sont donc appelés à assumer davantage leur responsabilité d’actionnaires actifs.

Où en sommes-nous au niveau politique et quelle est la position de l’AMAS sur la demande d’accès à l’UE ?

L’accord sur les services financiers entre la Suisse et le Royaume-Uni, adopté fin décembre 2023, est considéré par l’AMAS comme un modèle d’avenir, car il suit une approche libérale du marché qui reconnaît les règles spécifiques à chaque pays, sans qu’il soit nécessaire d’harmoniser et d’unifier d’abord les règles. L’accès transfrontalier au marché de l’UE est – et reste une exigence centrale de l’AMAS ainsi que de la place financière suisse. La capacité d’exportation de nos services est fondamentale pour le secteur et pour la place économique. Toutefois, nous constatons que la volonté politique manque encore dans ce domaine, y compris de la part de la Suisse.

Revenons sur les tendances. Quelles évolutions qui se dessinent dans le domaine des placements durables ?

La dynamique mondiale dans le domaine des placements durables, en ce qui concerne par exemple les questions de définition ou la mesure de l’efficacité des produits, reste très élevée. La politique, les ONG et les régulateurs formulent des attentes claires à l’égard du secteur de la gestion d’actifs. Le Conseil fédéral a ainsi annoncé un projet visant à lutter contre le « greenwashing ». L’AMAS est en revanche convaincue que l' »autorégulation en matière de transparence et de publication pour les fortunes collectives liées à la durabilité », qui entrera en vigueur à l’automne 2023, est actuellement l’instrument le plus approprié et le plus efficace pour éviter le « greenwashing ». Il permettra aussi de consolider la position de la Suisse en tant que leader de la finance durable. Compte tenu de la forte dynamique dans ce domaine, une réglementation nationale risque d’être déjà dépassée au moment de son entrée en vigueur. De plus, la Suisse a tendance à introduire des durcissements supplémentaires par rapport aux réglementations internationales. L’AMAS s’opposerait à un tel « Swiss Finish » dans une réglementation « Greenwashing », car beaucoup de ses membres sont actifs dans l’espace de l’Union européenne. Ils devraient tenir compte de deux réglementations divergentes, ce qui entraînerait une complexité et des coûts croissants. Cela entraverait l’ambition de devenir un hub de premier plan pour la finance durable.

Adrian Schatzmann

AMAS

Adrian Schatzmann est CEO de l’Asset Management Association Switzerland AMAS depuis janvier 2021. Il siège par ailleurs au comité de l’European Fund and Asset Management Association et au conseil d’administration de Swiss Fund Data. Auparavant, il a occupé différentes fonctions de conseil, notamment auprès de l’Association suisse des banquiers ASB. Il a également fondé et dirigé Clear Minds Investment. Adrian Schatzmann a travaillé plus de 20 ans chez UBS en Suisse et en Asie, notamment en tant que responsable de la distribution mondiale de fonds de placement et d’ETF. Il a étudié les sciences économiques à l’université de Saint-Gall.

 

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    Cryptos

    Solutions Investissements

    • Samir Kerbage
    • Chief Investment Officer
    • Hashdex

    Lancement des ETF bitcoin : les premières leçons après un mois

    Pour leur lancement, les ETF bitcoins ont déjà réussi à lever près de quarante milliards de dollars. Une performance appréciable qui ouvrent des perspectives plutôt attrayantes pour une classe d’actifs appelés à se développer sur le long terme, comme l’explique Samir Kerbage.

    Francesco Mandalà

    Aux États-Unis, le lancement des ETF bitcoin au comptant a été un moment décisif pour le monde crypto. Ces produits ouvrent en effet un marché de 50’000 milliards de dollars aux investisseurs de tous bords. Ils ont désormais accès au bitcoin sous la forme peut-être plus familière familière d’un ETF. Il a fallu dix ans pour en arriver là, un long chemin, et les mois précédant les approbations de janvier ont vu se multiplier les interrogations sur l’impact que pourraient bien avoir ces ETF. Un mois plus tard, on y voit bien évidemment plus clair, en se concentrant sur trois grandes questions.

    Quel a été l’impact immédiat des ETF ?

    Il y a eu énormément d’excitation dans les mois et les semaines précédant le lancement des ETF bitcoin. Cependant, leur sortie le 11 janvier s’est accompagnée d’une baisse de prix de courte durée, due principalement au GBTC, le trust bitcoin de Grayscale converti en ETF. À ce moment-là, GBTC détenait environ 30 milliards de dollars de bitcoins mais ne disposait pas d’options de rachat. Il s’en est suivi une importante décote de la valeur nette d’inventaire. Anticipant une conversion de trust en ETF, de nombreux traders ont acheté des actions GBTC à prix réduit. La conversion approuvée a déclenché des rachats de GBTC alors que les traders à court terme clôturaient leurs positions et que les investisseurs à long terme quittaient le produit. Malgré les entrées dans d’autres ETF, l’effet net a consisté en une vente substantielle de bitcoins, et donc une baisse des prix. Les rachats de GBTC ont ensuite ralenti, tandis que les investissements dans d’autres ETF ont augmenté, entraînant des flux nets positifs. Au cours du mois écoulé, les ETF bitcoin ont enregistré plus de 3,2 milliards de dollars de flux nets et le prix du bitcoin a augmenté de plus de 27%.

    Où en sommes-nous actuellement ?

    Bien que l’importance de ces nouveaux flux ne soit pas surprenante au vu de la demande, le premier mois a dépassé les attentes. Dans la mesure où il s’agit d’un tout nouveau type d’ETF, les comparaisons directes avec d’autres classes d’actifs sont difficiles. Mais la thèse d’investissement la plus solide qui prévaut pour le bitcoin en ce moment – celle d’une réserve de valeur émergente, ou or numérique – permet une comparaison raisonnable entre les ETF bitcoin et les ETF or. Un rapport de Coinbase Institutional a noté que les entrées nettes pour les ETF bitcoin au cours de leur premier mois ont dépassé celles enregistrées par l’ETF SPDR Gold Shares (GLD) de State Street au cours de son premier mois – l’un des lancements d’ETF les plus réussis de tous les temps.

    A la lecture de ces chiffres seuls, le succès des ETF bitcoin aux États-Unis apparait clairement. Plus important encore que ces chiffres, il y a ce que ces nouveaux flux signifient pour l’avenir du bitcoin comme cas d’investissement. Il semble bien que ces ETF ont consolidé la place du bitcoin dans les portefeuilles, certainement appelée à croître avec le temps. Nous n’en sommes cependant qu’aux phases d’initiation. Les investisseurs ont encore beaucoup à apprendre sur cette classe d’actifs, et leur allocation en bitcoin prendra forme sur le long terme, au fil des mois et des années.

    Que nous dit le dernier mois sur l’avenir des ETF bitcoin ?

    Le bitcoin est revenu à une valorisation proche des 1’000 milliards de dollars. Bien qu’il puisse encore y avoir des facteurs contribuant aux sorties de GBTC en particulier, tels que ceux liés à la faillite de Genesis, nous ne voyons pas de signes structurels indiquant un possible ralentissement de la demande. Les 37 milliards de dollars déjà investis dans les ETS bitcoins laissent penser que leurs encours pourraient vite dépasser ceux des ETF or, évaluant aujourd’hui autour des 100 milliards. Après une année tumultueuse en 2022, et une année de reprise en 2023, l’institutionnalisation des devises cryptos – orchestrée avec succès – créent aujourd’hui de belles opportunités pour toute l’industrie.

    Samir Kerbage

    Hashdex

    Samir Kerbage est le Chief Investment Officer de Hashdex. Pendant près de dix ans, il a travaillé à la construction d’infrastructures pour les marchés financiers. Il a contribué par exemple à des projets majeurs tels que l’ATS Brasil chez Americas Trading Group et le lancement d’une entreprise de trading à haute fréquence. Samir Kerbage, est diplômé en génie informatique de l’Instituto Militar de Engenharia, au Brésil.

    Services EAM

    • Interview David Saliné
    • Responsable mondial de l’activité Tiers-Gérants
    • Indosuez Wealth management

    « Un secteur animé par des enjeux importants de régulation et de digitalisation »

    David Saliné, basé à Genève, vient de prendre sous sa direction l’activité Tiers-Gérants d’Indosuez Wealth Management à l’échelle mondiale. Une nomination qui souligne l’importance accordée par le groupe à ce segment de clientèle en pleine croissance.

    Vous dirigez désormais le pôle Tiers Gérants du groupe Indosuez Wealth Management à l’échelle mondiale. Quels sont les chiffres clés à connaitre pour se faire une meilleure idée de ce pôle ? Combien de gérants de fortune indépendants, quels encours par exemple ?

    Le pôle Tiers Gérants, qui compte une soixantaine de collaborateurs, est déployé dans les dix marchés du groupe Indosuez. Ce dispositif mondial nous permet de proposer un modèle unique et coordonné pour répondre aux besoins les plus sophistiqués de cette clientèle clé pour le groupe, notamment en termes de financement, de marchés privés ou de produits structurés. Notre offre est aussi spécifiquement adaptée aux attentes de notre clientèle des différentes juridictions dans lesquelles nous sommes présents.

    À l’échelle mondiale, voyez-vous de grandes tendances animer ce secteur des tiers gérants ?

    Le modèle des tiers gérants est solidement ancré dans l’activité de gestion de fortune. C’est une réalité pour le marché historique de la Suisse, mais également pour des marchés où le modèle est apparu plus récemment, tels que le Moyen Orient ou l’Asie, qui sont des zones à forte croissance économique. C’est un marché d’avenir et stratégique pour Indosuez. Le secteur est également animé ces dernières années par des enjeux importants de régulation et de digitalisation. Les tiers gérants souhaitent, à juste titre, que le client reste la préoccupation majeure, ce à quoi nous nous attelons.

    Quelles sont vos priorités à la tête de ce pôle ?  En priorité nous collaborons avec nos partenaires pour apporter de la valeur à nos clients.  Nous sommes une banque universelle solide avec des expertises régionales fortes. Je souhaite déployer la profondeur de l’offre d’Indosuez à destination des tiers gérants, devenir un acteur de référence pour sa proposition multibooking et permettre une croissance qui nous sera mutuellement bénéfique. 

    Pour ce qui est du marché suisse, comment comptez-vous faire évoluer votre offre ? Depuis Genève, je prends la tête d’une équipe expérimentée qui couvre un portefeuille de tiers gérants basés en Suisse et dans les principaux centres financiers servant une clientèle internationale. Notre proposition est très large et elle va encore progresser, tant en matière de produits que de services, tout en restant focalisée sur l’intérêt des clients. Nous venons d’ailleurs de mettre en place une équipe en charge des tiers gérants pour notre succursale de Dubai.

    David Saliné

    Indosuez Wealth Management

    David Saliné a commencé sa carrière au CIC et à la banque Fortis au poste de relationship manager sur le marché des mid-caps. Il a rejoint ensuite le département de l’audit interne de la Société Générale au Luxembourg en 2002 puis a été nommé directeur adjoint de l’Audit pour Société Générale Private Banking en 2007 à Paris. En 2015, il devient responsable External Asset Managers de la Société Générale pour la Suisse, couverture élargie en 2019 à Monaco et au Luxembourg. En 2020, il a pris la direction ddu pôle Private Banking de Société Générale Private Banking en Suisse. David Saliné est titulaire d’un Master en finance de l’Inseec Business School ainsi qu’un Master en droit des affaires et taxes de l’Université de Bordeaux.

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      Fardeau

      Solutions Investissements

      • Corrado Varisco
      • Responsable de la recherche
      • bridport & cie

      Le relèvement des taux complique un peu plus les aléas de la dette publique

      Comparée au PIB, la dette publique atteint des niveaux sans précédent et cette tendance haussière semble inéluctable. Le nouvel environnement de taux rend la situation un peu plus tendue, ainsi que le souligne Corrado Varisco.

      Francesco Mandalà

      Dans le passé, c’était presque une « interdiction » d’avoir un niveau d’endettement élevé par rapport au PIB. Le pire des sacrilèges ! Aujourd’hui, ce tabou ne semble plus être d’actualité. Mais est-ce justifié ?

      La majorité des dettes étatiques se situe à des niveaux historiquement élevés et devrait continuer à croître en raison de de plusieurs tendances séculaires déjà en place. Les interdictions traditionnelles concernant les ratios dette/PIB élevés ne semblent s’appliquer désormais qu’aux pays ne pouvant pas se refinancer facilement. Le Japon pourrait maintenir un ratio de 250 % du PIB, les US pourraient dépasser 150 %, et ainsi de suite. Mais quand cette spirale s’arrêtera-t-elle ? Il n’est pas facile d’y répondre, bien que des risques à long terme subsistent clairement.

      Si cette conjoncture était soutenable avec une faible inflation et des liquidités abondantes, la situation actuelle a changé la donne, ce qui rend la mobilisation de capitaux encore plus urgente. Ce processus entraîne une polarisation entre les pays qui peuvent facilement continuer à émettre de la dette et à se refinancer, et ceux qui ne le peuvent pas ou difficilement.

      Dans les économies qui ont alimenté la croissance économique mondiale au cours de la dernière décennie – Etats-Unis, Union européenne et Chine), la dette est appelée à continuer de croître en raison de multiples facteurs. C’est le cas par exemple du vieillissement démographique et de la diminution de la population en âge de travailler. Le coût des retraites et des soins de santé va croître d’autant. Il y a aussi la « révolution verte », dont la mise en œuvre nécessitera d’énormes capitaux. Le secteur de la défense et de la sécurité aura besoin aussi d’importants investissements, compte tenu des événements géopolitiques récents, de l’augmentation des flux migratoires et de la désobéissance sociale.

      Prenons l’exemple de la France, dont la note de crédit a été dégradée l’année dernière, suite à la difficulté du gouvernement à relever l’âge de la retraite à 64 ans. La réalité est qu’une augmentation minime des coûts d’emprunt, ne serait-ce que d’un petit point de pourcentage, peut avoir au final un effet cumulatif considérable sur une décennie.

      Passons maintenant aux Etats-Unis. La dette nationale y a dépassé le chiffre stupéfiant des 34 000 milliards de dollars et elle augmente à un rythme frénétique de près de 3 000 milliards par an. Les paiements d’intérêts annuels sur cette dette dépassent les 1 000 milliards. Il est prévu que ces paiements atteindront 1’300 milliards au cours des 12 à 18 prochains mois. Si cette tendance se poursuit, la spirale de la dette ne fera que s’élever de manière alarmante. Mais au niveau politique, il n’y a pas de réelle volonté d’affronter le problème de manière structurelle.

      De nombreux mécanismes traditionnels utilisés pour échapper à la dette – comme la croissance économique via le commerce mondial – ne peuvent plus être tenus pour acquis. Cela est particulièrement problématique pour les pays émergents les plus faibles. En outre, augmenter le potentiel de croissance économique nécessiterait l’adoption de réformes qui pourraient s’avérer politiquement coûteuses. Certains pays pourraient alors être tentés de laisser « courir » l’inflation pour éroder la valeur de leur dette. Mais cela ne résoudra pas les principales causes qui ont conduit à cette augmentation.

      L’avenir ne semble donc pas être des plus réjouissants. Nous nous attendons à une augmentation continue de la dette publique, tirée par les pays développés, qui peuvent encore se financer sur les marchés, à la différence des pays émergents les plus faibles. Il y aura une forte concurrence pour les liquidités des investisseurs, ce qui impliquera la nécessité de taux réels durablement positifs et hauts. Le risque de défaut va être globalement plus élevé, comme aussi l’exigence de retours sur investissement, compte tenu des risques plus importants et de la concurrence accrue pour le capital. Les pays les plus vulnérables devraient donner la priorité aux investissements dans l’éducation, la transition énergétique durable et les soins de santé afin de stimuler la croissance économique à long terme. Cela inclut aussi les pays développés ayant des niveaux d’endettement importants, où le service de la dette représente une partie importante du budget public, à l’image de certains pays périphériques de l’Union européenne.

      Corrado Varisco

      bridport & cie

      Corrado Varisco occupe depuis l’an passé le poste de responsable de la recherche chez bridport & cie. Corrado a plus de vingt ans d’expérience sur les marchés obligataires avec une spécialisation dans la dette à haut rendement et la dette des pays émergents. Il a débuté sa carrière professionnelle en 2021 à la banque BSI, à Lugano, en tant qu’analyste. Il est devenu ensuite co-responsable de la gestion de portefeuille décentralisée pour l’équipe Amérique latine de BSI. En 2011, Corrado a rejoint la banque CBH à Genève où il a officié en tant que responsable de l’offre et de l’analyse obligataires. Il y a également occupé les fonctions de gestionnaire de portefeuille.