Dynamique

  • Interview Christophe Cantala
  • Responsable du marché des intermédiaires financiers
  • Société Générale Private Banking Europe

« Les GFI, un rouage clé dans la chaîne de valeur du wealth management »

En poste chez Société Générale Private Banking, Christophe Cantala vient de prendre sous sa responsabilité le marché européen des gérants indépendants – les FIM – qui englobe la Suisse, le Luxembourg et Monaco. Le moment idéal pour qu’il nous expose sa vision du marché et les raisons qui en font une priorité stratégique pour son groupe.

Comment expliquez-vous la vigueur du secteur GFI, malgré les turbulences qu’il traverse actuellement?

Je pense en fait que secteur des gérants indépendants en Suisse n’a jamais été aussi fort, bien qu’il soit engagé dans une importante phase de transition. Dans une certaine mesure, ils profitent du positionnement des banques qui ne peuvent pas nécessairement couvrir toutes les bases, sur le plan géographique bien sûr mais aussi sur le plan des services proposés. Avec les besoins des clients qui deviennent de plus en plus sophistiqués, les GFI ont donc l’opportunité de former un rouage clé et complémentaire dans la chaîne de valeur du wealth management en rassemblant des spécialistes dans différents domaines.

Je crois aussi que le nouveau cadre réglementaire, plus strict et peut-être perçu -comme contraignant à court terme, offre de fortes garanties aux gérants sur le long terme car il sécurise énormément les clients finaux.

Pour s’adapter aux transformations qui ont cours, où pensez-vous qu’ils doivent désormais concentrer leurs efforts?

Ils doivent se préparer à la charge réglementaire qui s’exercera bientôt sur eux dans la gestion au quotidien de leur activité. La préparation du dossier pour la demande d’agrément n’est qu’une première étape. La charge réglementaire se fera sentir au jour le jour, au travers de nouvelles requêtes, de pistes d’audit à maintenir, de formalisation plus poussée.

Il va donc falloir qu’ils renforcent leur structure d’une matière ou d’une autre. Par exemple, le digital est pour eux un enjeu stratégique de la plus haute importance, qu’il s’agisse d’optimiser la gestion de portefeuilles, la gestion des risques ou la relation-client.

Il y a aussi de véritables opportunités : le marché des UHNWI se développe beaucoup depuis quelques années. Les GFI sont idéalement placés pour exploiter ce potentiel, mais ils n’y parviendront qu’en réalisant aujourd’hui les investissements nécessaires, pour attirer de nouveaux talents, adopter des outils qui seront les standards du futur et conclure de bons partenariats avec d’autres GFI ou d’autres acteurs. La génération de nouveaux revenus en dépend.

Dans les grandes lignes, comment avez-vous adapté votre offre aux nouvelles exigences que formulent les GFI ?

Je rappelle que les besoins des clients finaux sont devenus très sophistiqués. Notre rôle est de faire en sorte que les gérants avec lesquels nous travaillons puissent trouver des solutions simples à des demandes complexes. C’est dans ce sens que nous les accompagnons. Nous avons donc développé notre offre d’investissement en private equity, nos solutions de financement, l’accès via nos équipes dédiées aux GFI à l’ensemble des compétences du groupe Société Générale, et une expertise Prévoyance destinée à la clientèle suisse.

La table ronde que vous avez récemment animée à Genève lors des journées Solutions GFI portaient sur le segment Retail Plus. Pensez-vous qu’ils puissent constituer à terme un segment cible pour les gérants indépendants ?

J’en ai la conviction. Toutes les études dont nous disposons aujourd’hui s’accordent pour dire que ce segment est en pleine croissance, sur toutes les grandes places financières. En revanche, il est évident qu’il est à ce jour assez mal servi pour la bonne raison qu’il est encore mal défini. Il se trouve un peu dans une zone grise en termes de coverage, entre High Net Worth et Mass affluent. C’est une cible pertinente que les gérants vont redécouvrir avec le temps. En revanche, il va leur falloir certains prérequis pour se positionner sur ce segment et en extraire la valeur. Les enjeux de profitabilité doivent être pris en compte et l’apport des solutions digitales sera déterminant à cet égard. Les gérants indépendants auront un double challenge à relever avec ces Retail Plus. Il faudra qu’ils puissent développer des services suffisamment standardisés pour travailler sur le volume mais, en même temps, suffisamment personnalisés pour justifier d’une réelle proposition de valeur.

 

Christophe Cantala

Société Général Private banking Europe

En janvier 2023, Christophe Cantala a rejoint Société Générale Private Banking Suisse en tant que Responsable du marché des intermédiaires financiers pour la Suisse. En septembre 2023, il prend la responsabilité de ce marché pour la plate-forme de banque privée européenne (Luxembourg, Suisse, Monaco) du groupe Société Générale.  Il dirigeait auparavant, à partir de Genève, les marchés External Wealth Managers et Multi Family Offices chez BNP Paribas, le groupe où, en 2004, il a entamé son parcours professionnel, qui l’a mené à une carrière internationale dans l’audit et la Banque de Financement et d’Investissement. Christophe Cantala est diplômé de l’Ecole Supérieure de Commerce de Toulouse et de l’Ecole Normale Supérieure de Cachan.

 

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    Francesco Mandalà

    Les premières sanctions américaines visant la Chine ont été infligées sous la présidence Trump, puis ont été renforcées sous celle de Joe Biden. Ces sanctions concernent plus particulièrement l’industrie des puces électroniques. Elles veulent limiter l’accès du pays aux technologies de pointe pouvant avoir un usage militaire, le but étant de freiner les ambitions géostratégiques de Pékin – mais également, en filigrane, de protéger la domination américaine.

    Elles ont conduit Huawei, un des leaders mondiaux des équipements télécom, à se voir couper de facto l’accès aux marchés occidentaux, notamment ceux des nouveaux réseaux 5G. Or, ce même Huawei a surpris le monde début septembre, en lançant un téléphone équipé d’un processeur conçu, et surtout fabriqué en Chine avec un raffinement technologique qu’on pensait hors de portée. Mais en y réfléchissant bien, cette surprise n’en est pas une.

    Les semiconducteurs, un enjeu éminemment stratégique

    Les semiconducteurs – en réalité les transistors – constituent en effet l’élément de base des puces électroniques. On les retrouve partout aujourd’hui dans nos ordinateurs, téléphones, machines à laver, voitures, avions, satellites, réseaux téléphoniques, réseaux électriques, ou encore dispositifs médicaux. Ils règlent nos vies.

    La maîtrise de leurs chaînes de fabrication est donc devenue une priorité stratégique. Cela est d’autant plus vrai que ces chaînes se sont parfaitement adaptées à la mondialisation. Il est fort probable que l’appareil sur lequel vous lisez ce texte ait vu son processeur central conçu aux Etats-Unis, mais sorte d’une usine taiwanaise équipées de machines européennes. Or, comme la crise du covid l’a illustré, tout grippage de cette chaîne peut avoir de fâcheuses conséquences pour toutes les applications qui en dépendent.

    La Chine joue le long terme

    Le gouvernement chinois l’a compris depuis un certain temps. Dès 2015, un plan stratégique visait à s’assurer que 70% des semiconducteurs utilisés localement seraient produits par des acteurs nationaux d’ici 2025. Un objectif ambitieux compromis du fait des sanctions. Il a cependant le mérite d’être clair : la Chine ne veut en aucun cas être dépendante de l’étranger sur ce secteur sensible. Son gouvernement est prêt à des efforts financiers se chiffrant en centaines de milliards de dollars sur la durée pour parvenir à ses fins.

    Dès lors, toute mesure de rétorsion ne fait retarder l’inévitable. L’Histoire a démontré que le progrès technologique finit inévitablement par se diffuser, y compris dans des contextes bien moins favorables à la diffusion des idées, des biens et des personnes. Par ailleurs, ces sanctions sont contre-productives : elles ont aussi pour effet de renforcer la volonté d’indépendance et d’élargir le spectre des développements à des domaines qui n’étaient peut-être pas initialement prévus.

    Quelles perspectives ?

    Si cette volonté apparaît inébranlable, quelques zones d’ombre subsistent à court terme. La puce du dernier Huawei se veut un exploit technologique au vu du contexte, mais rien ne dit que sa fabrication sera rentable du point de vue économique, car rendue plus complexe par les sanctions. De plus, elle accuse au moins deux générations de retard sur les productions occidentales en termes de finesse de gravure, soit la capacité à réduire la taille des transistors sur la puce pour augmenter les performances. Combler ce retard impose le recours à une technologie actuellement disponible seulement chez le fabricant européen ASML.

    Quoiqu’il en soit, malgré les pressions américaines, l’avenir semble plutôt radieux pour les acteurs chinois de l’industrie, en particulier les équipementiers, les fonderies et tout leur écosystème de sous-traitants. Ils bénéficient à la fois du soutien du gouvernement et de l’opinion publique, prompte à soutenir les champions nationaux. Le marché intérieur est gigantesque, permettant de justifier quantité d’investissements. Enfin, quand bien même cela passerait par l’établissement d’un système à plusieurs vitesses, le temps pourrait jouer en leur faveur. Quoi de plus normal, après tout, pour le pays qui a enfanté le sage Lao-Tseu, auquel nous devons l’illustre maxime : « si quelqu’un t’a offensé, ne cherche pas à te venger. Assieds-toi au bord de la rivière et bientôt tu verras passer son cadavre. ». Dans le cas présent, vouloir lutter contre le courant semble surtout bien vain.

     Charles Bordes

    AtonRà

    Charles Bordes est membre de l’équipe d’investissement d’AtonRâ Partners, spécialiste de l’investissement thématique à Genève. Il couvre notamment les stratégies liées à la technologie (intelligence artificielle, robotique, cybersécurité et spatial). Charles a précédemment travaillé comme analyste sell-side pendant six ans, d’abord chez AlphaValue, où il avait la charge du secteur IT Hardware & Technology, puis chez Kepler Cheuvreux, où il couvrait les valeurs Small & Midcap, toujours avec un accent sur les entreprises technologiques. Charles est titulaire d’un master en finance de Kedge Business School (Bordeaux, France).

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    «Nous élargissons aujourd’hui nos thématiques à l’agritech et à la foodtech »

    En partenariat avec Zebra Impact Ventures, Mirabaud Asset Management vient de lancer un nouveau fonds private equity dédié à la transformation des modèles alimentaires mondiaux et à l’émergence de l’agriculture 3.0. Lionel Aeschlimann revient ici sur les grandes lignes du projet.

    Dans quel cadre stratégique s’inscrit le partenariat conclu avec Zebra Impact Ventures ?

    Depuis cinq ans, Mirabaud Asset Management développe des solutions innovantes et différenciées en matière d’actifs privés. Notre stratégie est de lancer des fonds de private equity sur des thématiques séculaires. Cela nous permet d’investir en direct dans des entreprises souvent inaccessibles autrement, et d’appliquer une approche similaire à celle qui prévaut au sein-même de Mirabaud : la conviction, la responsabilité et l’engagement entrepreneurial sur le long terme.

    Nous avons ainsi lancé deux premières stratégies dédiées aux entreprises du luxe puis au monde du lifestyle, ainsi qu’une troisième sur la thématique de la ville durable et de la décarbonation des bâtiments. Via ce nouveau partenariat avec Zebra Impact Ventures, nous élargissons aujourd’hui nos thématiques à l’agritech et à la foodtech. En termes de vision, positionnement stratégique et valeurs, les équipes de Zebra Impact Ventures s’inscrivent parfaitement dans le cadre stratégique que nous nous sommes fixés. Notre rencontre et notre décision de former ensemble un nouveau collectif d’investissement d’impact nous est apparu à tous comme une évidence naturelle.

    Quelles solutions voulez-vous proposer avec Zebra au travers de ce partenariat ?

    La stratégie d’investissement de ce premier véhicule private equity consacré à l’agritech et à la foodtech traite de thématiques essentielles puisqu’elles visent à accélérer la transformation des modèles alimentaires mondiaux.  Il s’agit en quelque sorte d’agriculture 3.0. Nous voulons investir dans des sociétés, actives dans les services aux entreprises et aux fermiers, qui se concentrent sur l’agriculture de précision, la capture de carbone, la nutrition alternative (particulièrement pour l’élevage) et la gestion des déchets agricoles ou d’économie circulaire. Le maître-mot sera celui d’agriculture régénérative. Notre objectif, au moyen d’une stratégie d’impact – qui sera catégorisée en article 9 SFDR – est de délivrer un IRR de l’ordre de 25%. Nous investirons essentiellement en Europe et aux Etats-Unis.

    Comment a évolué le pôle Private markets de Mirabaud Asset Management ces dernières années ?

    Nous proposons des stratégies thématiques dirigées et gérées par des spécialistes des industries concernées, et non des banquiers ou des financiers. Cette stratégie s’avère très différenciante et convaincante. Nos équipes connaissent en profondeur les secteurs, enjeux et problématiques des entreprises dans lesquelles ils investissent. Elles sont également perçues par nos sociétés cibles comme des alliés à haute valeur ajoutée qui les aident à se développer, à affiner leur stratégie, à améliorer leur qualité d’exécution et à accélérer leur croissance grâce aux connaissances et aux réseaux qu’elles possèdent. Entre ces stratégies et les club deals – en co-investissement ou en direct – que nous proposons depuis cinq ans, nous gérons aujourd’hui environ un milliard en actifs privés.

    Quels développements entendez-vous lui donner au cours de ces prochaines années ?

    Notre souhait est de poursuivre le développement de cette franchise. Nous lançons en cette fin d’année le deuxième millésime de notre stratégie de promotion immobilière dédiée à la ville durable. L’an prochain, nous envisageons de proposer un second millésime de nos stratégies consacrées à la consommation responsable dans les secteurs premium. Nous allons également continuer à développer notre offre d’investissement direct, en renforçant notamment nos synergies avec notre banque privée, qui a également fortement augmenté ses investissements en actifs privés ces dernières années.

    Quelles sont à ce jour les attentes de vos clients dans ce domaine ?

    Près des deux tiers de l’économie mondiale est aujourd’hui « logée » dans des entreprises non cotées. Les sociétés attendent de plus en plus avant de lancer leur IPO. Beaucoup de ces sociétés privées connaissent, logiquement, des taux de croissance supérieur à ceux des entreprises cotées. Nos clients attendent de nous que nous leur donnions accès à cet énorme pan de l’économie mondiale, qui non seulement leur offre des rendements à long terme supérieurs, mais également une certaine diversification. Par ailleurs, nos clients sont à la recherche d’investissements qui non seulement génèrent de bonnes performances financières, mais participent aussi à l’économie réelle. En investissant dans des entreprises qui seront les « étoiles » de demain, aux côtés d’entrepreneurs engagés, ils contribueront à accélérer la transition vers une économie plus respectueuse de la planète et de la société.

    Lionel Aeschlimann

    Mirabaud Asset Management

    Avocat au barreau de Genève depuis 1994, Lionel Aeschlimann  a rejoint la banque Mirabaud en 2010, en qualité de membre du comité exécutif. Il est associé gérant depuis janvier 2011 et il est devenu responsable de la ligne de métier Asset Management. Avant de rejoindre Mirabaud, il a execrcé en tant qu’ avocat au sein de l’Etude Brunschwig Wittmer à Genève de 1994 à 1999, puis associé à l’Etude Schellenberg Wittmer, Genève et Zürich.

    Lionel Aeschlimann est également membre de la Commission Suisse des OPA, ainsi que du conseil de Fondation d’Avenir Suisse. Enfin, il est engagé dans l’animation de la collection d’art contemporain de Mirabaud.

    Lionel Aeschlimann

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      L’industrie alimentaire est en pleine mutation. Avec une offre qui s’étend, pour répondre aux nouvelles habitudes de consommation. De jeunes entreprises innovantes prennent désornais place à côté d’acteurs plus établis. Cette mutation, explique Luca Carrozzo, doit aussi faire réfléchir à la manière de structurer un portefeuille d’investissement dans ce secteur. 

      Francesco Mandalà

      Avec la multiplication de nouvelles habitudes alimentaires, l’industrie alimentaire est redevenue intéressante pour les investisseurs. Comment résumer ce qui se passe actuellement dans ce secteur ? 

      En fait, il se passe pas mal de choses en ce moment et, effectivement, il y a un potentiel pour les investisseurs. Dans la production alimentaire, nous constatons que l’accent est mis sur les produits locaux, et sur plus d’efficience. Parallèlement, la population mondiale augmente. Par conséquent, la consommation de protéines va croître. Répondre à cette demande tout en préservant les ressources sera un grand défi. Nous voyons également un énorme potentiel dans le transport. En effet, pour diminuer le gaspillage alimentaire, il faudra s’y intéresser tout au long de la chaîne de livraison. Enfin, il faut également mentionner les nouvelles habitudes de consommation. En Suisse comme ailleurs, on trouve désormais de plus en plus de produits de substitution au lait et à la viande, jusque dans les rayons des grands distributeurs. 

      Comment expliquer ces nouvelles tendances ? 

      Il y a bien sûr, d’abord, le changement climatique et la croissance démographique. Par ailleurs, la guerre en Ukraine nous a montré à quel point une grande partie du monde dépend de la Russie et de l’Ukraine pour les denrées alimentaires de base comme le blé. Ce qui va entraîner un profond réexamen de la chaîne d’approvisionnement mondiale.  

      Quelles en seront les conséquences pour l’investisseur ? 

      Il faut ici faire la distinction entre l’évolution fondamentale et les valorisations du marché. Les deux cheminent souvent en parallèle, mais, parfois, elles divergent. L’évolution fondamentale est structurelle et prend énormément d’ampleur. Les chiffres d’affaires et les bénéfices de ceux que l’on appelle les « pure players » de l’industrie alimentaire sont en croissance constante et, surtout, ils résistent à la crise.

      D’un autre côté, les valorisations du marché évoluent de manière très volatile. Il y a deux ans encore, nombre de ces entreprises se négociaient sur des multiples très élevés et, dans certains domaines, on pouvait clairement parler de « hype ». Cette situation a changé de manière significative suite à la correction des 18 derniers mois, qui a surtout touché les petites capitalisations. Les valorisations ont presque diminué de moitié depuis le pic de 2021 et un assainissement du marché a eu lieu. Pour les investisseurs, cela signifie qu’il y a désormais des points d’entrée intéressants. 

      À quoi ressemblerait un portefeuille qui voudrait parier sur la croissance ? 

      Il faudrait y intégrer, dans un portefeuille diversifié, les pure players des secteurs de croissance, auxquels l’industrie alimentaire appartient. Mais attention, il est important d’analyser attentivement ces entreprises et de toujours garder un œil sur leurs valorisations.  

      Les innovations ont désormais lieu autant dans les startups que dans les grands groupes. Quel en est l’impact sur la stratégie d’investissement ?

      Ce qui se passe dans le secteur de l’alimentation est assez similaire à ce qui s’est passé dans l’industrie pharmaceutique. Pour simplifier, l’innovation a lieu dans les petites entreprises et les grands groupes sont responsables du développement et de la mise à l’échelle de ces innovations. Le changement structurel que vit le secteur a donc besoin des deux types d’acteurs. Du point de vue de l’investisseur, il est donc nécessaire de les considérer tous les deux. Par ailleurs, pour des questions de risques, nous ne recommandons pas d’investir uniquement dans des pure players, même si ces derniers doivent bien entendu faire partie d’un portefeuille diversifié. 

      Y a-t-il des entreprises particulièrement intéressantes dans ce secteur de l’industrie alimentaire ? 

      Avec Nestlé et les grands producteurs pharmaceutiques, la Suisse serait prédestinée à devenir un hub dans le domaine de la foodtech/agritech. Pour les investisseurs, c’est un excellent point de départ. Ceci dit, nous sommes d’abord intéressés par des investissements aux États-Unis. On peut citer John Deere dans le domaine de la gestion des terres et Ecolab dans celui de la gestion de l’eau. Dans le domaine des protéines alternatives, Benson Hill nous semble bien placé. Et pour finir, je citerai quand même un nom suisse que nous connaissons tous mais dont on ignore parfois qu’il joue un rôle important dans l’industrie mondiale de l’emballage : SIG Group.

      Luca Carrozzo

      Banque CIC (Suisse)

      Luca Carrozzo est responsable de la politique d’investissement de la Banque CIC, dont il est Chief Investment Officer. Cet analyste ESG diplômé est titulaire d’un brevet fédéral en Wealth Management (CFPI). Il travaille depuis 2009 pour la banque CIC, notamment dans la gestion de portefeuille et le conseil. Depuis 2017, Luca Carrozzo fait également partie du comité d’investissement de la banque. Sur mandat de la Banque CIC, il a en outre travaillé de 2019 à 2021 pour l’Investment Advisory de la Banque Transatlantique à Londres.

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      Cédric Roland-Gosselin a quitté le costume de banquier, qu’il portait chez Degroof Petercam, pour endosser celui de gérant indépendant. Avec ses associés, Carine Arieh et Jasper de Raadt, il a choisi cette voie pour mieux répondre aux attentes de ses clients.

      Que regrettez-vous de vos années de banquier ?

      Je ne suis pas nostalgique de caractère. « C’était mieux avant » n’est pas le genre d’appréciation qui me correspond. Je dirais juste qu’il fut un temps où les choses étaient différentes, moins normées, moins pointues. Aujourd’hui, les éléments – régulatoires, concurrentiels, technologiques – nous obligent à répondre de manière plus agile à des demandes toujours plus exigeantes.

      Si vous ne vous y adaptez, vous allez regarder passer le train. Mais ce n’est pas nécessairement propre à notre métier. Les clients s’engagent dans des interactions plus rapides, ils sont mieux informés et ils comparent davantage. Ils attendent de nous des échanges plus conséquents, des performances plus élevées et de la transparence. Nous sommes-là pour répondre à leurs attentes tout en maintenant le fond au-delà de la forme. Il faut que nous conservions l’humain et la confiance sur la durée. C’est l’essence même de notre métier.

      Quelles étaient vos priorités au lancement d’Arode ?

      Nous voulions mettre en place une organisation conforme aux besoins exprimés par certains de nos clients. Eux comme nous ont pu profiter de l’équipe formée au lancement d’Arode. Carine Arieh, Jasper de Raadt et moi-même avons travaillé ensemble chez Degroof Petercam en Suisse. Nous nous connaissons très bien et nos complémentarités sont pour Arode une vraie force. J’ai deux passions sportives : la voile et le rugby. Ce sont deux sports où réunir des athlètes de bon niveau est moins important que de faire travailler ensemble des profils très différents, des avants et des trois-quarts ou des skippers et des winchers.

      Il y a aussi le temps, la durée, le long terme sur lesquels nous voulons nous inscrire pour grandir harmonieusement. Le mot harmonie inclut pour moi les notions de cohérence, de confiance et d’esprit d’équipe. Je vous donne un exemple. Nous avons regardé plusieurs dossiers pour d’éventuelles acquisitions ou associations parce que le marché se consolide, mais nous n’avons pas donné suite, car nous n’avons pas vocation à devenir une plateforme de gérants.

      Arode est formée aujourd’hui par une équipe qui se connait bien et qui sait travailler ensemble. Nous avons une gestion cohérente et une ligne directrice claire.

      Du temps de Degroof Petercam, quel regard portiez-vous sur le métier de GFI ?

      Je ne voyais pas forcément leur utilité en raison de la manière dont nous servions déjà nos clients à l’époque. Je ne pensais pas que ce métier allait durer. C’est d’ailleurs ce qui était annoncé depuis dix ans, avec la consolidation ou la disparition des indépendants.

      En quoi ce regard a-t-il changé aujourd’hui ?

      Nous avons vu les choses évoluer du côté des gérants comme du côté des banques. Les GFI sont désormais régulés par la FINMA et l’offre bancaire a changé. Ces deux développements se sont produits en même temps et ils ont modifié l’offre pour les clients.

      Pour des raisons que je comprends, même si je le regrette, les banques se concentrent davantage sur leurs Produits que sur leurs services. Elles ont la pression du résultat trimestre après trimestre, de la simplification à outrance et du soin attentif à éviter toute dérogation au cadre général.

      Ces transformations ont eu lieu aussi en France et en Belgique, deux marchés où les gérants indépendants se sont fait leur place.

      Finalement, notre rôle est de donner du sens à la relation entre le client et son patrimoine, de les guider dans sa gestion, de l’orienter dans les relais de génération, de le conseiller dans la cession de leur entreprise. Ce sont des tâches que les banquiers assumaient par le passé. C’est moins facile pour eux aujourd’hui dans la mesure où leur activité est devenue plus compartimentée et limitée.

      En revanche, en tant que gérant, nous pouvons trouver des solutions parce que nous fonctionnons en architecture ouverte avec un plus grand nombre de prestataires.

      Où avez-vous porté plus particulièrement votre attention lorsque vous avez lancé Arode ?

      Le lancement d’Arode en 2020, au moment du covid, qui plus est après 25 ans de parcours dans de groupes internationaux, était tout sauf simple. Mais les évènements nous sont parfois imposés et nous avons su gérer. Nous avons pu mettre en place une organisation solide pour nos clients, avec des partenaires fiables et réactifs, « aussi vite que possible et aussi lentement que nécessaire », comme l’a dit un jour Alain Berset !

      Cédric Roland-Gosselin

      Arode

      Cédric Roland-Gosselin a été le CEO de Banque Degroof Petercam Suisse de 2011 à 2020, ainsi que membre du conseil d’administration de Banque Degroof Petercam France et Banque Degroof Petercam Espagne. Il a acquis une expertise bancaire complète au sein du groupe ING en France, Belgique et Luxembourg de 1998 à 2010. Il détient le diplôme d’ingénieur commercial de l’Université Catholique de Louvain.

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